Un enfant est victime de négligence grave : que faire ?
© S. van Malleghem

Un enfant est victime de négligence grave : que faire ?

Pourquoi certains enfants sont-ils victimes de négligences de la part de leurs parents ? Et lorsqu’une situation de carences graves est constatée, quels sont les professionnels chargés d’intervenir ? L’accompagnement des parents se fera souvent dans des conditions difficiles mais il reste indispensable.

 

        

Dans un premier article, nous avons cherché à définir la négligence de l’enfant, dans les comportements posés ou omis par le parent et dans ses conséquences graves et durables. Nous avons également donné des pistes de détection d’une telle situation et tenterons dans le présent article de comprendre les causes de la négligence et d’identifier les ressources dont peut bénéficier l’enfant.



Pourquoi sont-ils négligés ?


Plusieurs facteurs peuvent expliquer pourquoi certains parents en viennent à négliger leur enfant, sans forcément en avoir conscience. Un de ces facteurs est qu’ils ont eux-mêmes souvent été victimes de carences affectives, voire de négligence dans leur enfance et développent en conséquence des comportements inadéquats dans leur rôle parental. Ils ont en somme de grandes difficultés à sortir de schémas de vie carencée.


Par ailleurs, la dépression que vivrait la mère doit retenir toute l’attention des professionnels car cette souffrance aura un impact sur sa disponibilité pour son enfant, sur la qualité de sa relation avec lui, sur son désintérêt, sa passivité. Le bébé présentera rapidement des comportements inquiétants de retrait.


A cela peuvent s’ajouter d’autres facteurs tels que des limites intellectuelles des parents, de l’alcoolisme, de la violence conjugale, des difficultés psychologiques, une méconnaissance des soins de bases à apporter à l’enfant, etc. Toute une série de facteurs qui, pris isolément, ne sont pas forcément, loin de là, prédicteurs de négligence mais qui, examinés dans un ensemble, peuvent donner l’alerte.


Cette diversité de facteurs oblige à une prise en charge pluridisciplinaire.

 


Quelles ressources ?


Dès le moment où un intervenant de 1ière ligne détecte ce qu’il pense être des signes de négligence (cf. notre précédent article), il est indiqué de le signaler rapidement. La protection de l’enfant doit guider les démarches à entreprendre, que ce soit au sein de la structure auquel appartient l’intervenant ou avec l’aide d’équipes spécialisées comme SOS Enfants. Après ce signalement, un accompagnement adéquat se met en place.


En premier lieu, il s’agit de solliciter les parents dans l’accompagnement de leur enfant. En cas de séparation parents-enfant (ex : famille d’accueil), il faut tant que possible maintenir le contact et les informer de ce que vit leur enfant. Ce maintien tend en effet à apaiser l’enfant.


Mais il faut garder à l’esprit que les parents ont souvent manqué eux-mêmes d’attention ou ont été victimes de négligence et qu’ils risquent de se montrer peu enthousiastes à l’interpellation des professionnels de la santé, ambivalents devant des mains tendues, méfiants, voire fuyants. Les parents sont souvent envahis par leurs propres problèmes tels qu’assuétude, troubles psychiatriques, immaturité, etc. et cherchent l’attention du professionnel jusqu’à parfois se mettre en rivalité avec leur enfant. Il peut arriver qu’un suivi médical des parents complète l’accompagnement de l’enfant.


Plusieurs professionnels de la santé interviennent face à une situation de négligence : infirmières, pédiatres, pédopsychiatres, psychologues, assistants sociaux, etc. Ces disciplines doivent se réunir, s’écouter, se coordonner pour tisser autour de la famille un filet sécurisant de préoccupations positives. Ces professionnels tenteront de développer une relation de confiance avec les parents, pierre angulaire d’un accompagnement constructif.



Quelques illustrations :

  • Si le gynécologue a pu établir un lien de confiance pendant le suivi de la grossesse, cela peut faciliter l’accompagnement de la mère si des difficultés se présentent.

  • Au-delà de son examen strictement médical, l’attention seule du médecin pour l’enfant peut intensifier celle que les parents devraient lui porter.

  • Les gardiennes et puéricultrices peuvent être d’une grande aide pour l’enfant qui trouvera en eux l’attention qui lui manque, une bienveillance, des encouragements, etc.

  • L’aide familiale peut être d’un grand soutien pour la mère qui accomplira plus facilement une série de tâches domestiques et de soins, se sentant écoutée, encouragée, accompagnée.



Si nécessaire, une hospitalisation peut être organisée afin de prendre le temps d’évaluer l’impact des conditions de vie sur le corps et le développement de l’enfant. Elle permettra de pratiquer des examens complémentaires et d’observer la relation parents-enfant.


Dans certains cas, une intervention judiciaire sera nécessaire afin de protéger l’enfant de la négligence dont il fait l’objet. Il faudra alors réfléchir au type d’accueil le plus favorable à son développement.




Prévenir la négligence ou l’enrayer ?


La négligence des enfants est difficile à contrecarrer et décourage bien des professionnels quand ils constatent le peu de changements (durables) dans le chef des parents. Leur travail n’est toutefois pas vain car il servira à limiter les carences de l’enfant et à en faire un adulte plus équilibré, cherchant par là à casser le cercle vicieux dans lequel il est inscrit.


Les parents, souvent négligés eux-mêmes dans leur enfance, seront capables de peu de changements mais resteront importants dans l’accompagnement que les professionnels peuvent mettre en place à l’attention de l’enfant. C’est donc la génération suivante, celle de l’enfant et non pas des parents, qui bénéficiera de l’accompagnement professionnel.



Article précédent : Négligence de l’enfant : comment la détecter ?


Sandrine MATHEN
Licenciée en Psychologie clinique

 

Pour aller plus loin :


Claire Meersseman (Fédération Wallonie-Bruxelles), Prévenir la négligence, 2019.

Lachaussée, S., Bednarek, S., Absil, G. & Vanmeerbeek, M. (2012). Les enfants négligés : ils naissent, ils vivent mais ils s'éteignent. Carnet de notes sur les maltraitances infantiles, 1(1), 4-9. doi:10.3917/cnmi.121.0004.


ONE, L’ONE en chiffres 2018, rapport d’activités,