Les adolescents confrontés à la pornographie en ligne

L’exposition précoce aux sites pornographiques en ligne représente un risque important pour les adolescents à un moment charnière de leur développement. Quelles sont les conséquences sur les plans comportemental, sexuel et psychologique ?

 

Une surexposition aux images pornographiques

L’adolescence est une période de grande maturation physique, biologique et psychologique. Internet est à ce stade, un lieu privilégié pour s’informer, partager ses interrogations, ses doutes et ses expériences. Il est également le lieu de nombreux dangers.

Plusieurs études rapportent que de façon intentionnelle ou non, de jeunes adolescents « seront confrontés, au cours de leur minorité, de façon épisodique, répétée ou intensive à des images pornographiques de plus en plus violentes ». En effet, en 2018 déjà, on estimait qu’un adolescent sur cinq a déjà été confronté à de la pornographie en ligne de façon accidentelle via notamment des fenêtres pop-up lors de simples recherches sur internet. En France, 58% des garçons et 45% des filles ont visionné de la pornographie avant l’âge de 13 ans.

Les garçons sont plus susceptibles que les filles de visionner un tel contenu de façon intentionnelle. La moitié des adolescents le font régulièrement avec principalement trois objectifs : la recherche d’informations sexuelles, la connexion avec une personne, et le désir de ressentir de l’excitation sexuelle.
 

L’impact négatif sur un jeune en pleine maturation 

L’usage de la pornographie en ligne à un âge précoce peut avoir de nombreuses conséquences négatives :

  • Influencer le développement psychosexuel du jeune : favoriser l’incertitude sexuelle notamment chez les filles, envisager des comportements sexuels qui privilégient la satisfaction du plaisir physique personnel au détriment des aspects affectifs et relationnels.
  • Perturber les croyances sur le rôle des genres dans les relations sexuelles : il véhicule une image masculine de domination et d’agression et une image féminine d’objet sexuel dans la passivité et la soumission.
  • Favoriser l’imitation et la provocation : conversations sexuelles, dessins obscènes, exhibitionnisme, autant de manifestions perçues erronément par le jeune comme valorisantes dans sa recherche identitaire.
  • Induire un phénomène d’habituation : au plus les jeunes visionnent de la pornographie, au plus ils sont en recherche de nouveautés. Ils vont dès lors explorer d’autres thématiques sexuelles souvent violentes augmentant le risque de développer l’utilisation de la contrainte et d’abus dans leurs propres expériences sexuelles.
  • Générer une angoisse et des symptômes dépressifs chez les plus immatures car les adultes perçus jusqu’alors comme protecteurs deviennent de possibles agresseurs.
  • Augmenter la consommation d’alcool ou de substances psychoactives liées à la pratique du sexting, une pratique qui consiste à envoyer des messages ou des photos à caractère sexuel via les réseaux sociaux. La consommation permet au jeune d’être moins inhibé et de ne pas ressentir d’émotions de honte ou de culpabilité.
  • Diminuer les résultats scolaires : l’usage excessif d’écrans impacterait le sommeil et les capacités d’apprentissages.
     

Les profils à risque 

Certains jeunes peuvent présenter des prédispositions qui augmentent le risque de développer un usage plus intensif de pornographie en ligne.

  • Plus l’usage d’internet est important, plus il augmente le risque de confrontation à des images pornographiques avec pour conséquences d’amplifier la curiosité sexuelle et pousser le jeune à poursuivre ce type d’activités de façon intentionnelle.
  • Avoir un accès privé à internet avec de faibles règles parentales.
  • L’influence des pairs : les jeunes vont vouloir se conformer aux normes sexuelles véhiculées par leur groupe d’appartenance. En fonction de cette norme, le risque sera majoré ou minoré.
  • L’utilisation massive des réseaux sociaux qui altèrent la perception de la réalité.
  • La présence de symptômes dépressifs, présenter des relations conflictuelles avec ses parents, une attitude de retrait, une faible estime de soi et de satisfaction personnelle ainsi qu’un besoin de recherche de sensations importantes dans la vie augmentent également le risque.
     

Les facteurs de protection 

  • Le rôle essentiel des parents : instaurer un dialogue ouvert sur l’usage de la pornographie dans le cadre familial est primordial. Des parents qui sont dans le tabou, le contrôle et l’interdiction et qui ne sont pas ouverts à ce type de discussion pourraient dès lors avoir un effet incitateur où l’ado n’aurait pour objectif que de braver l’interdit. Il est également important de communiquer aux jeunes qu’ils ne seront pas punis s’ils partagent une expérience choquante sur internet. Un climat de tolérance et de confiance doit persister. 
  • Le rôle de l’éducation et de l’école : des études ont montré qu’évoquer la problématique en milieu scolaire aurait un effet protecteur. Les jeunes se sentent écoutés et considérés comme des interlocuteurs valables pour aborder ce type de thématique avec des adultes. Cela va permettre de développer l’esprit critique des adolescents, de les pousser à se questionner, à se confronter, à se positionner et à réfléchir à d’autres façons de percevoir ces images qui inondent leurs espaces numériques.  

Mélanie SAEREMANS
Psychologue - Psychothérapeute


Références :
https://theconversation.com/pornographie-en-ligne-des-risques-preoccupants-pour-les-adolescents-158472

Adolescents and Pornography: A Review of 20 Years of Research
https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00224499.2016.1143441