Une nouvelle loi "anti-représailles" au travail
© Steve Closset

Une nouvelle loi "anti-représailles" au travail

Afin de se conformer à la jurisprudence de la Cour de justice (UE), la Belgique a dû adapter ses lois "Genre", "Antiracisme", "Anti-discrimination" et "Bien-être" pour mieux protéger les plaignants et lanceurs d'alerte des représailles. 

 

Objectifs de la nouvelle loi

La législation existante offrait déjà une protection contre les éventuelles mesures de rétorsions envers le plaignant mais la procédure était complexe, soumise au dépôt d’une « plainte » et ses effets étaient limités à une catégorie de personnes. Le nouveau texte entend remédier à ces inconvénients.
Il a aussi pour ambition d’apporter une meilleure sécurité juridique. En effet, la législation belge ne répondait pas entièrement aux obligations découlant des directives européennes (2000/43/CE 2000/78/CE et 2006/54/CE) et à la jurisprudence découlant d’un arrêt récent (affaire « Hakelbracht").
Enfin, le législateur a aussi voulu éviter une judiciarisation et une bureaucratisation des situations visées par la loi afin d’assurer un règlement équitable.

Quelles règles sont modifiées ?

La loi du 7 avril 2023 modifie les législations suivantes :

  • Loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes (la loi genre),
  • Loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie (la loi antiracisme),
  • Loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination (la loi anti-discrimination),
  • Loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail (la loi sur le bien-être).

Quant à l’arrêté royal du 1er mai 2023, il modifie le Code sur le bien-être au travail, concernant l’information de l’employeur relative à la protection contre les mesures préjudiciables dans le cadre de la procédure interne.
La loi et l’arrêté royal sont entrés en vigueur le 1er juin 2023.


Les apports de la nouvelle législation

Alors que l’octroi d’une protection (ex : contre le licenciement) supposait l’existence d’une « plainte », datée et signée, adressée par envoi recommandé au prestataire de service ou à l’employeur, explicitant les faits discriminatoires, la procédure s’est assouplie. En effet, la communication peut maintenant avoir lieu par écrit, téléphoniquement ou oralement. On notera toutefois l’intérêt d’un écrit sur le plan de la preuve.

Mais le législateur va plus loin et ceci afin de se conformer aux directives européennes en étendant la catégorie des personnes pouvant bénéficier d’une protection. Celle-ci comprend non seulement les plaignants et ceux qui témoignent (oralement ou par écrit), mais aussi les lanceurs d’alerte et ceux qui soutiennent les plaignants ou les aident. Par exemple, cela pourrait bénéficier aux travailleurs qui ont pris la défense du plaignant ou qui ont témoigné en sa faveur, tant de manière formelle qu’informelle.

Se pose aussi la question de la preuve. Comme l’indique UNIA, « La personne qui demande à être protégée doit seulement prouver que l’employeur ou le prestataire de services avait connaissance ou était raisonnablement informé de l’existence du signalement, du témoignage ou de l’assistance apportée. Elle peut également demander une attestation à la personne auprès de qui elle a signalé la discrimination. Cette attestation doit mentionner les dates auxquelles différentes actions ont été entreprises et doit être transmise à la personne concernée. »

Il est important de signaler que la protection a une durée de 12 mois. Cela implique que si, dans ce délai, une mesure préjudiciable est prise, elle apparaîtra comme une forme de représailles sauf à apporter une preuve irréfutable qu’elle n’a aucun lien avec la plainte. A défaut d’apporter cette preuve, un dédommagement est prévu.

Comme le précise UNIA, notons que la plainte, le témoignage ou le « soutien », peuvent être communiqués des manières suivantes :

  • directement à l’employeur ou au prestataire de services ;
  • aux services d’inspection chargés du contrôle ;
  • à Unia ou à l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH) ;
  • aux services de médiation, aux organisations de défense des intérêts (comme les syndicats ou des organisations protégeant les droits des patients) ;
  • à la police ou aux autorités judiciaires.


Eviter les abus

Afin de pouvoir contrer une instrumentalisation du dispositif à d’autres fins (ex : demander une protection pour éviter un changement de service non voulu mais justifié), il est prévu qu’un juge pourra être saisi afin d’examiner si une plainte fallacieuse a été introduite dans le seul objectif de bénéficier d’une protection. Dans cette hypothèse, l’employeur ou le prestataire de services pourra bénéficier d’un dédommagement.


Claude BOTTAMEDI
Chef de corps d’une zone de police er

Sources :
SPF Emploi, Travail et Concertation sociale. BeSWIC, Centre de connaissance belge sur le bien-être au travail, sur :
https://www.beswic.be/fr/actualites-et-evenements/violence-harcelement-moral-et-harcelement-sexuel-au-travail-modifications-de-la-protection-du-travailleur-contre-les-represailles

UNIA, « Une meilleure protection contre les représailles dans les lois antidiscrimination », sur :
https://www.unia.be/fr/articles/meilleure-protection-represailles

Projet de loi modifiant la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes, la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination, et la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail, pour ce qui concerne la protection contre les mesures préjudiciables, sur : https://www.lachambre.be/FLWB/PDF/55/3021/55K3021001.pdf