Victime d’une intoxication médicamenteuse : les gestes qui sauvent
© Patrick Decorte

Victime d’une intoxication médicamenteuse : les gestes qui sauvent

Qu'il s'agisse d’une intoxication médicamenteuse ou toxique, ou de l'utilisation inadéquate d’un médicament, comment bien réagir dans l’urgence ? Ce qu’il faut surveiller en attendant l’arrivée du SMUR ou de l’ambulance en fonction du type d’intoxication.

Les intoxications médicamenteuses volontaires, ou accidentelles quand il s’agit d’enfants, sont parmi les causes les plus fréquentes d’appel du SMUR. Cependant, il ne faut pas oublier un autre phénomène qui se présente de plus en plus, l’usage inadéquat des médicaments. En effet, combien de fois ne prend-on pas un médicament conseillé par un voisin ou un médicament appartenant au conjoint ? L’automédication est courante et peut se révéler dangereuse.

Les médicaments sont aussi parfois utilisés de manière exagérée comme le paracétamol qui est souvent considéré comme un antidouleur de base totalement inoffensif alors que la dose mortelle est atteinte en prenant juste deux fois la dose recommandée. Plus difficile à évaluer son ampleur, le mésusage médicamenteux récréatif ou de performance (rilatine, serostim, etc.) sont bien entendu à haut risque à court et long terme.



Que faire quand on constate une prise excessive ou inadéquate de médicaments ?

Examiner la victime pour déterminer si elle est consciente ou pas. Si elle est inconsciente, il faut la placer en position latérale de sécurité (PLS) [1], c’est-à-dire couchée sur le côté de manière à ce que le contenu de son estomac ne risque pas de se déverser dans ses poumons si elle vomit.

Rassembler le maximum de renseignements concernant les toxiques ou médicaments ingérés, trouver les emballages de médicaments vides, sans oublier les éventuelles bouteilles d’alcool.

Contacter le 112 et lui fournir les informations concernant les médicaments probablement en cause et l’état du patient. Le 112 vous enverra ensuite les moyens adéquats, SMUR ou ambulance.

En attendant l’arrivée des secours, poursuivez la surveillance de la victime et en cas de mort apparente, entamez des manœuvres de réanimation cardio-pulmonaire.


Causes les plus fréquentes d’intoxication et leurs spécificités

Intoxication à l’aspirine


Cette intoxication se caractérise par des troubles neurologiques (confusion, convulsions, agitation, coma), une ventilation accélérée, une hyperthermie, des nausées, vomissements et des troubles ioniques. Il conviendra donc de mettre le patient en PLS s’il présente des troubles de conscience.

Intoxication au paracétamol


Elle ne présente pas de particularité de surveillance car les lésions potentielles sont des lésions du foie tardives.

Intoxication barbiturique


Les signes principaux sont respiratoires, allant jusqu’à l’arrêt respiratoire (pratiquer le bouche-à-bouche dans ce cas), circulatoires, surtout une grosse chute de tension artérielle et le coma (mettre le patient en PLS).

Intoxication aux antidépresseurs tricycliques


Elle associe des troubles de la vision, une sécheresse de bouche, des troubles neurologiques (hallucinations, désorientation, somnolence, coma), des signes respiratoires (hypoventilation, voire même apnée) et principalement des troubles de conduction ou du rythme cardiaque (bloc auriculo-ventriculaire, tachycardie ventriculaire ou supraventriculaire, choc). Le décubitus dorsal [2] doit l’emporter sur la PLS permettant une surveillance de la ventilation mais surtout du rythme cardiaque avec évaluation fréquente du pouls en carotidien ou fémoral et éventuelle réanimation respiratoire et cardiaque.

Intoxication aux benzodiazépines


Apnée et coma sont les signes d’intoxication aux benzodiazépines. La surveillance de la ventilation et la mise éventuelle en PLS si celle-ci est correcte constituent les seuls éléments intéressants. Il peut être utile de vérifier sur place l’absence d’autres médicaments ou toxiques, détails importants pour l’équipe médicale du SMUR, car l’intoxication aux benzodiazépines est la seule qui peut être antagonisée par un antidote à condition de ne pas être associée à d’autres substances.

Intoxication à la digoxine


Davantage surdosage accidentel chez la personne âgée qu’intoxication volontaire, elle se caractérise par des céphalées, une somnolence, une fatigue, des troubles visuels, une anorexie, des nausées et une diarrhée. Ces différents symptômes doivent faire suspecter un surdosage en digoxine avant que ne se produisent les signes cardio-vasculaires.

Intoxication aux béta-bloquants


Autre surdosage accidentel, il se présente sous forme de ralentissement du rythme cardiaque allant parfois même jusqu’à l’arrêt cardiaque. Il s’accompagne également de bronchospasme, voire même d’œdème pulmonaire, ainsi que de confusion, somnolence ou coma. Dernier élément qui peut être vérifié, la glycémie, qui peut s’avérer assez basse dans ces intoxications.

Intoxication aux organophosphorés (insecticides)


Intoxication par des insecticides, gravissime, elle s’installe rapidement après 30 à 60 minutes avec un maximum après 2 à 8 heures mais avec une symptomatologie pouvant persister durant quelques mois. Une intoxication légère ne laissera apparaître que des nausées, vomissements, quelques tremblements, une certaine anxiété et une faiblesse musculaire. Une intoxication plus importante se traduira par des troubles visuels, une hypersalivation, une bradycardie, une incontinence urinaire, des fasciculations et une incoordination des mouvements. L’intoxication sévère mènera à une diarrhée profuse, un œdème pulmonaire, une bradycardie et un coma. Il est important d’enlever les vêtements contaminés par l’insecticide en cas d’intoxication accidentelle en se protégeant par des gants.

  

[1] La position latérale de sécurité (PLS) consiste à placer le patient sur le côté de manière à protéger ses voies respiratoires s’il vomit. 

[2] Le décubitus dorsal consiste à placer le patient couché sur le dos.



Frank VAN TRIMPONT
Docteur en médecine,
Directeur Certificat Gestion des Situations d’Exception ULB


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