Gérer les foules pour éviter les drames
© Quentin Peeters

Gérer les foules pour éviter les drames

Le match au Heysel, la fête d’Halloween à Séoul, le pèlerinage à la Mecque, sont des grands rassemblements qui resteront à jamais marqués par des drames dus aux mouvements de foule. Comment les expliquer et les prévenir ?    

 

Les composantes du drame

Bien qu’il s’agisse d’événements différents, ils disposent de communs dénominateurs qui permettent de tenter d’expliquer les faits. Principalement, nous pouvons citer :

  • Les lieux sont généralement d’une superficie restreinte et la foule est importante (densité/m²). La topographie des lieux constitue un facteur aggravant (ex : présence d’obstacles, absence de possibilités d’évacuation, etc.) 
  • Panique et bousculade sont observées 
  • La planification par les autorités est déficiente et les contrôles de la foule insuffisants
  • Les victimes ont péri écrasées, piétinées ou étouffées par la foule. La cause de la mort est généralement la suffocation et on dénonce la lenteur des secours, ce qui aggrave le bilan final, etc.
     

Le « tremblement de foule » 

Mais comment expliquer ces événements ? On aura compris qu’une concentration importante de personnes dans un endroit offrant peu ou pas d’échappatoires constitue le contexte propice aux drames. Mais ceux-ci peuvent survenir en l’absence d’actes intentionnels (ex : confrontations de hooligans).

Une approche intéressante nous alors est proposée par le physicien Dirk Helbing. Celui-ci explique ce phénomène par sa théorie du « tremblement de foule » (crowd-quake), soit un phénomène collectif qui « se met en place spontanément lorsque la densité d’individus atteint un seuil critique situé autour de 5 à 6 personnes par mètre carré. À ce niveau d’encombrement, les contacts physiques entre les corps sont si intenses que le moindre mouvement déclenche une vague de bousculade (NDR : un transfert de force) qui se propage à travers la foule. » Ces ondes de chocs font chuter les individus et leur font subir des pressions physiques écrasantes.

Lorsque des personnes sont prises dans ce mouvement, il est compliqué de s’en sortir. Et pourtant, ces drames sont pour la plupart évitables.
 

Des mesures a priori

Sans préjudice des préceptes découlant de la « planification d’urgence » et de la « gestion négociée de l’espace public », des enseignements peuvent être tirés des recherches portant sur les bousculades de foule.   

Nous pouvons résumer les éléments essentiels comme suit :

  • La gestion des foules demande un travail d’équipe (autorités, police, service de secours, organisateurs…) bien coordonné (rôles et responsabilités bien définis) et une communication structurée. Exercices et formations sont des préalables.

  • Une recherche d’informations sur le type de visiteurs attendus, les précédents (ex : debriefings des événements précédents) est indispensable.

  • Il convient de procéder à une estimation (avant) et un comptage (en temps réel) des foules et de leurs mouvements (entre 4 et 5 personnes /m² est un maximum admissible) : lieux d’arrivée/de sortie selon quel timing estimé ; données sur les réseaux sociaux ; niveau d’encombrement des parkings et des stations de transport en commun ; utilisation de la vidéosurveillance et en particulier de drones ; informations recueillies par les services d’ordre public compétents, etc.

  • On doit impérativement procéder à une évaluation des risques pour notamment définir les mesures à prendre (contrôles à réaliser, calculer la capacité à ne pas dépasser, etc.) et à une inspection préalable des lieux (itinéraire imposé, débordements possibles, etc.).

  • Il faut se fixer des objectifs concernant l’écoulement des flux de circulation : les concevoir de manière à ce qu’ils ne soient ni ralentis ou ni empêchés ; éviter des afflux trop importants dans un même lieu ; au besoin les catégoriser pour éviter des rencontres inopportunes (ex : séparer les supporters de différents clubs) ; pré-filtrage des publics concernés.

  • Selon les circonstances, on devra envisager des aménagements modifiables (ex : portails escamotables) pour éviter les compressions meurtrières sur des clôtures et une signalétique claire à destination des publics (sens de circulation, direction des parkings…).

  • Il faudra aussi prévoir des espaces réservés afin que les services de police et de secours puissent organiser leurs actions ainsi que des espaces de « respiration » pour éviter les bousculades, etc.

Evidemment, d’autres mesures sont envisageables et parfois indispensables en fonction des circonstances. Mais il s’agit surtout de considérer que des foules peuvent se former en de nombreux endroits (gares, terrain de football, etc.) et que, pour éviter des drames, la vigilance et la prise d’initiatives a priori sont nécessaires, ce qui est, heureusement, souvent le cas.


Claude BOTTAMEDI

Chef de corps d’une zone de police er


Sources :

Landauer Paul, L’architecte, la ville et la sécurité, PUF, 2009

Dirk Helbing and Anders Johansson, « Dynamics of crowd disasters: An empirical study »  ,  PHYSICAL REVIEW E 75, 046109, 2007, sur :
https://www.ethlife.ethz.ch/archive_articles/100727_Massenpanik_Helbing_sch/Dynamics_of_crowd_disasters.pdf