Accident de la route : la valeur de l’expertise médicale
© Steve Closset

Accident de la route : la valeur de l’expertise médicale

L’expertise médicale, le rôle de l’expert médecin et la constitution du dossier médical sont des éléments clés dans le processus d’indemnisation de la victime d’un accident de la circulation.

Après avoir décrit dans un premier article les dispositions à prendre immédiatement après l’accident (mentions sur le constat éventuel, remise d’un ou plusieurs certificats médicaux) ainsi que le rôle du médecin conseil, examinons en quoi consistent l’expertise médicale, la mission de l’expert médecin et le dossier médical. 


L’expertise médicale permet d’évaluer le dommage corporel


Sauf si le rapport du médecin conseil de la compagnie d’assurances permet de l’éviter, l’expertise médicale (amiable ou judiciaire) constituera très souvent la phase préalable et primordiale à l’évaluation du dommage corporel.

Comme il a été rappelé dans l'article précédent, pour être indemnisée de son dommage, une victime doit en prouver l’existence et l’étendue. L’objectif d’une expertise médicale en droit commun est en effet de recueillir suffisamment d’informations permettant de cerner au mieux la réalité et l’importance des différents dommages corporels dont une personne a été victime afin qu’elle puisse ensuite en être correctement indemnisée, conformément à l’article 1382 du Code civil.
Il est par conséquent conseillé d’insérer dans la mission d’expertise une clause générale habilitant l’expert à recueillir "…toutes informations utiles permettant de déterminer toutes formes de dommage subi et à subir par la victime" ou l’invitant à "répondre à toutes questions pertinentes des parties".


La mission de l’expert médecin dans le cadre de l’expertise médicale

L’expert va dans un premier temps collecter tous les documents médicaux nécessaires à sa mission sans que l’on puisse lui opposer le secret professionnel.
Il procèdera ensuite à l’interrogatoire de la victime (anamnèse) en lui faisant passer, si cela s’avère nécessaire, des examens auprès de spécialistes.

En raison de la mission qui lui est confiée et qui consiste à aborder toutes les composantes du dommage de l’expertisé, l’expert appréciera l’impact des séquelles de la victime sur ses activités professionnelles ainsi que sur les actes essentiels de sa vie quotidienne (activités ménagères, éducatives, affectives, familiales, sociales, scolaires,…).
Les travaux d’expertise comportent dès lors non seulement des aspects médicaux mais également juridiques et économiques, si bien que l’expert – qui est généralement un médecin – aura intérêt à s’entourer de spécialistes d’autres professions, tels que notamment des ergologues et des architectes (lorsqu’il y a lieu de se prononcer sur l’aménagement de l’habitat d’un grand blessé).


Quelle est (ou devrait être) la valeur d’une expertise médicale ?

Si l’expertise judiciaire a valeur de simple avis qui ne lie pas le juge et les parties, il pourrait ne pas en être ainsi lorsque l’expertise est amiable.
En effet, quand les parties décident d’organiser elles-mêmes une expertise médicale sans passer par le juge, elles doivent au préalable rédiger et signer une convention de nomination d’expert(s) appelée également protocole d’expertise médicale amiable. Or, cette convention qui lie les parties peut contenir une clause d’irrévocabilité – appelée également clause d’incontestabilité – en vertu de laquelle lesdites parties s’engagent d’emblée à accepter sans réserve les termes et conclusions des travaux d’expertise.
Il est dès lors préférable de bannir pareille clause et de prévoir dans le protocole que l’expertise amiable aura la même valeur qu’une expertise judiciaire qui pourra de ce fait être soumise pour avis au juge amené, le cas échéant, à statuer sur le montant de l’indemnité revenant à la victime.

La victime a le droit de refuser de signer un protocole d’expertise dans lequel serait insérée une clause d’incontestabilité ou d’irrévocabilité. De plus, nul ne peut se voir imposer une expertise amiable si bien que chaque partie peut préférer recourir d’emblée à une expertise judiciaire.


En quoi consiste le dossier médical à remettre à l’expert ?

La victime - qui a la charge de la preuve de son dommage et qui est à ce titre très souvent partie demanderesse en expertise - doit apporter un soin tout particulier à la constitution de son dossier afin d’aider l’expert dans l’accomplissement de sa mission.
Les conseils de la victime (médecin et avocat) jouent un rôle important à ce niveau. Les pièces composant le dossier de la victime sont essentiellement de nature juridique (jugement désignant l’expert, compromis d’expertise médicale amiable, …) et médicale (dossier médical antérieur à l’accident, relevé des dépenses de santé, certificat de premier constat, suivi médical,…).

Par ailleurs, il est conseillé à l’expertisé de dresser dès que possible un relevé de ses «plaintes subjectives» qu’il remettra à ses conseils (médecin conseil – avocat) et auquel il pourra se référer lorsqu’il sera entendu dans le cadre de l’expertise amiable.


Demande de provision

La victime peut demander à l’assureur chargé de l’indemniser que ce dernier lui verse une provision à valoir sur son dommage. Un relevé des dépenses de santé restant à charge de la personne lésée (après intervention mutuelle, assureur loi, assurance individuelle,…) permettra certainement l’émission d’une quittance provisionnelle couvrant pareils frais.
Le dommage subi devra également faire l’objet d’une indemnisation provisionnelle.
Les articles 13 et 14 de la loi du 21 novembre 1989 modifiés par la loi du 22 août 2002 prévoient de véritables «intérêts punitifs» sanctionnant le retard mis par un assureur à indemniser dans certaines conditions une victime d’un accident de la circulation causé par un véhicule soumis à l’assurance obligatoire.
Il s’agit de dispositions légales trop souvent méconnues et donc rarement appliquées qui constituent pourtant des incitants très efficaces.


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Dominique MAYERUS
Cabinet d’avocats Mayerus et Staquet

http://www.droitbelge.be/droit_medical_dommages_corporels.asp