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Violence des supporters de foot : comment l’expliquer ?
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Violence des supporters de foot : comment l’expliquer ?

Devenir supporter, c’est souvent soutenir un club dans un groupe, mais aussi s’opposer aux autres. Il en résulte diverses formes de confrontation qui se manifestent par des gestes, des chants ou de la violence. Comment expliquer cette dernière ?

Devenir supporter
Bien souvent, on devient supporter par l’influence de ses proches, en particulier sa famille qui constitue un lieu important de socialisation, mais aussi ses amis ou ses collègues. D’autres facteurs peuvent également jouer comme la proximité géographique d’un club, le fait d’être fan d’un ou de plusieurs joueurs, etc.

Un engagement collectif
Être supporter suppose généralement un engagement au sein d’un groupe plus ou moins important, informel ou relativement structuré. Dans cette dernière hypothèse, se constituent des associations parfois reconnues par les clubs. Elles peuvent rassembler plusieurs milliers de personnes et se subdiviser en sections qui alimentent l’audience d’un club.
Parfois, une association de supporters occupe une tribune entière voire un espace particulier qui devient comme un « territoire possédé » (Nuytens).
Les supporters participent à l’ambiance visuelle, par des drapeaux et autres accessoires, et sonore, par des chants. De manière plus originale, ils organisent des spectacles encore appelés « tifos ».

Le paroxysme du supportérisme, c’est devenir un ultra, ce qui demande un engagement important et une présence régulière. Il s’agit du meilleur moyen de sortir de l’anonymat, d’autant qu’au sein même de sa communauté, un ultra cherchera aussi à se différencier par son comportement, son accoutrement, etc.
L’engagement implique de consacrer du temps et de l’argent mais il convient aussi de jouer un rôle appris au sein de l’association qui socialise ses membres. Ainsi, l’ultra expérimente la confrontation (disputes, attaques, défenses, etc.) à autrui car il n’est pas seulement pour un camp qu’il valorise mais aussi contre les autres qu’il dénigre. En somme, il apprend les bonnes façons de soutenir, notamment pour se différencier des autres supporters.
Le groupe permet aussi de gérer les tensions, les joies et les déceptions car être supporter/ultra, c’est aussi supporter l’épreuve et malgré tout ce qui peut arriver, rester fidèle au club.
Enfin, le supportérisme recèle aussi une forte dimension spatiale car à travers les clubs, ce sont aussi des régions voire des nations qui rivalisent. Et les tribunes, les villes et autres lieux font l’objet de marquages symboliques (graffiti, etc.).

De l’engagement à la violence
La violence est souvent associée aux mouvements ultras et hooligans car ici les fans pratiquent une opposition connaissant peu de limites. Ces mouvements sont constitués principalement de jeunes hommes, issus majoritairement de classes populaires, qui se définissent avant tout par leur appartenance à leur association. Il en découle un soutien indéfectible au club dont on défendra les couleurs par l’intimidation et la violence si besoin.

Selon Wray Vampley, la violence peut être expliquée par plusieurs éléments qu’il résume par l’acronyme FORCE :

  • La frustration comme élément principal, notamment le sentiment d’injustice face à l’arbitrage, à la défaite, etc.
  • La délinquance ordinaire (outlawry disorder) ;
  • Les protestations (remonstrance) ;
  • Les rivalités entre clubs et supporters (confrontation) ;
  • Les débordements liés aux résultats (expressive).

Si la violence est avant tout réactive, elle peut aussi se détacher du match et être bien préparée. Ainsi les « hools » ont pour raison d’être de se battre, ce qui n’est pas le cas des ultras qui toutefois légitiment la violence.
Pour Williams Nuytens, si des passages à l’acte peuvent s’expliquer par la consommation d’alcool ou de psychotropes, voire la nécessité d’affirmer une virilité, il considère que les violences dépendent avant tout de logiques de groupes en ce sens que l’on veut montrer que l’on existe dans la partisanerie sportive. On défend un territoire, on s’oppose à l’autorité, on règle un litige, etc. Alors, la violence « renforce et devient une ressource identitaire ».

Enfin, Walgrave Lode considère que l’hooliganisme s’explique par la « vulnérabilité sociétale » qu’il définit comme « l’accumulation sociétale et psychologique d’expériences négatives avec les structures sociales. » Alors, le football devient un espace de compensation où l’on peut acquérir du prestige par des coups d’audace et de force. En outre, les affrontements permettent de ressentir de l’excitation.

Claude BOTTAMEDI
Chef de corps d’une zone de police er

Lire aussi :
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Free fight : bienvenue dans le hooliganisme 2.0 !

Sources :
Williams Nuytens Comment expliquer la violence des supporters ? The Conversation, 2023, sur :
https://theconversation.com/comment-expliquer-la-violence-des-supporters-213000

Vamplew Wray, « Sports crowd disorder in Britain, 1870-1914 : causes and control », Journal of sport history, n° 7, 1980, p. 5-20.

Ludovic LestrelinSociologie des supporters, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2022,